La promotion des femmes dans les instances dirigeantes est un projet qui doit être soutenu au plus haut niveau et être relayé à tous les niveaux hiérarchiques. Voici un extrait de mon livre reprenant le processus auquel a eu recours la Barclays France pour promouvoir les femmes.
Le processus
– A son arrivée à la direction générale de Barclays France, Pascal Roché avait affirmé sa volonté de voir plus de femmes accéder aux postes à responsabilité. Trois ans plus tard, force a été de constater que rien n’avait réellement changé. Il a alors mis en place un processus de réflexion, avec des groupes de travail pour avancer concrètement sur la question.
Il témoigne :
« Au départ, ce problème de l’égalité hommes / femmes a été l’objet d’un débat public dans la société en général. Maintenant, elle est acquise et fait moins l’objet de discussions, tout en restant prégnant au sein de bon nombre d’entreprises. Quand j’ai entrepris de promouvoir la parité hommes / femmes, mes équipes devaient comprendre que cette volonté de parité n’était pas un gadget, que ce n’était pas une idée en l’air, mais bien une préoccupation de tous les instants. C’est un sujet que je considère ne pas pouvoir déléguer à quelqu’un d’autre, même si pour faire avancer les choses, j’ai voulu un catalyseur. En l’occurrence, ce rôle est joué par la directrice du marketing et de la communication, membre du comité exécutif et sensibilisée à ce sujet.
Cette recherche de parité homme / femme au niveau des postes de direction est venue assez naturellement, la thématique engendrant de la frustration et faisant partie des problématiques remontées par les partenaires sociaux. Ce sujet a en fait deux facettes, l’une sociale, l’autre économique. En effet, nous avons dans nos effectifs près de 60% de femmes et nous savons que nos clients, répartis à parité entre les deux sexes, n’ont pas les mêmes attentes de part et d’autre. Ainsi, les clientes vont avoir des demandes plus tournées vers la sécurité, alors que les hommes iront plus facilement vers des placements à risque, spéculatifs, boursiers… Nous devons nous adapter à leurs demandes et y répondre.
Un projet porté par le dirigeant
– Mon souhait et ma volonté d’égalité des chances entre hommes et femmes n’a pas suffi à faire bouger les choses. Il a fallu beaucoup y réfléchir, écouter et mettre en place un processus impliquant non pas une, deux ou trois grandes actions, mais une multitude de petites. Nous n’avons pas essayé d’appliquer de grandes recettes, mais au contraire d’apporter une vision pragmatique et quotidienne pour affirmer notre engagement dans ce débat qui s’inscrit dans la durée. Nous avons cherché à comprendre les clés de la disparité entre hommes et femmes en organisant des déjeuners où se retrouvaient des femmes et des dirigeants. Lors de ces échanges, les premières étaient invitées à s’exprimer et les seconds à écouter sans se justifier. Leurs témoignages ont été très riches, particulièrement ceux des femmes de 55 ans et plus, qui se sentaient plus libres de parler et de donner leur opinion sur la question.
Une autre manière de manager
– Dans certains groupes, le management véhicule des images guerrières, avec des méthodes autoritaires, très masculines qui rejaillissent dans la composition des équipes dirigeantes. Si tous les dirigeants ont plus ou moins un bon esprit d’analyse et de synthèse, c’est l’intelligence émotionnelle qui va faire la différence. Les femmes ne sont pas plus dans l’émotion que nous, mais on nous a appris, à nous les hommes, à ne pas les exprimer, mais au contraire à les cacher. Or, un des facteurs clés du succès est de les montrer. Il faut de la force et de l’empathie pour le faire. Effectivement des femmes ont atteint des postes de direction et sont considérées comme des « femmes à poigne », donc plutôt masculines, mais d’autres qui agissent très différemment et réussissent. Je pense à l’une d’elles en particulier qui obtenait d’excellents résultats avec ses équipes. Elle était tout à la fois respectée et très appréciée, avec un très bon relationnel. Mais son absence d’agressivité et d’autoritarisme a été perçu négativement au départ par son hiérarchique qui, du coup, ne la pensait pas à la hauteur pour prendre plus de responsabilités. Pour le faire changer d’avis et le convaincre, il a fallu lui mettre en avant les résultats qu’elle avait obtenus avec son équipe».
Une action au niveau des salaires
– En parallèle de ce travail de réflexion de fond, nous avons agi sur d’autres éléments, comme le salaire. On constate en France, que les femmes, à niveau de poste égal ont encore un salaire de 10 à 12 % inférieur à ceux des hommes. Sans raison réelle, en tout cas pas celle de la maternité, car on s’est aperçu que même les femmes sans enfants étaient moins bien payées que leurs alter egos. Les femmes sont moins exigeantes sur ce point en règle générale que les hommes, ce qui explique en partie cette différence. Pour être plus juste, nous avons donc utilisé la politique salariale pour faire changer les choses. Nous avons, par exemple, après discussion avec les organisations syndicales lors des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires), mis en place des mesures spécifiques dédiées aux femmes pour diminuer les écarts, sans encore les combler tout à fait. Nous ne voulons pas pour autant faire une discrimination positive systématique qui serait source de tensions inutiles.
Un combat de tous les jours
– Désormais, chaque année, une vingtaine de femmes choisissent un mentor parmi les dirigeants qui n’appartiennent pas à leur hiérarchie de manière à développer leurs réseaux. Nous devons aussi combattre certaines réactions, notamment vis-à-vis de la maternité. Encore aujourd’hui, certaines femmes se sentent coupables d’être enceintes quand elles travaillent sur de gros projets et ressentent le besoin de se justifier ou de plaider leur cause. Quant aux hiérarchiques, ils ne réagissent pas toujours bien. Je me souviens d’un responsable qui, à l’annonce de la grossesse d’une de ses collaboratrices attendant son 4ème enfant, lui a lancé : « Mais quand est-ce que tu arrêteras de pondre ? ». Si cela complique la tâche de l’encadrement qui doit penser à remplacer la personne en congé maternité, c’est pour autant une situation normale et qui devrait engendrer de la joie.
Des résultats probants
– Fort de ces informations et de ces points de vigilance, les choses ont évolué. Quand je suis arrivé en 2002, les femmes représentaient environ 15% parmi les 120 directeurs de la banque. Cinq ans plus tard, elles étaient 22%. Sur les 126 agences et clubs, il y avait au départ au maximum quatre femmes. En 2008, elles étaient une quarantaine. Pour autant, je ne souhaite pas faire de discrimination positive. Nous choisissons les dirigeants, non en fonction de leur sexe, mais de leur compétence.
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