Par Isabelle Allemand, Bénédicte Brullebaut et Odile Barbe – Les Echos
La féminisation des conseils d’administration des sociétés cotées du compartiment est en marche. Le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration de sociétés du compartiment C (capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros) a presque atteint les 20% requis à horizon 2014 par la loi Copé-Zimmermann. Si ces administratrices ont un profil propre à ce type d’entreprises, il reste à faire pour qu’elles exercent une véritable influence dans les conseils d’administration.
Après l’étude sur la représentation et le profil des femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées des compartiments A et B, l’Observatoire de la Parité dans les conseils d’administration propose une nouvelle étude sur les petites capitalisations (inférieures à 150 millions d’euros) à fin 2012, soit un échantillon de 268 sociétés représentant un total de 1 637 administrateurs.Cet Observatoire a été créé en juin 2012 par la Chaire en Gouvernance d’Entreprise du Groupe ESC Dijon-Bourgogne, en partenariat avec l’AFECA (Association des Femmes Diplômées d’Expertise Comptable Administrateurs) et le Conseil Régional de Bourgogne.
Une bonne représentation des femmes dans les conseils d’administration des petites capitalisations
Au 31 décembre 2012, les femmes occupent 19,7% des sièges dans les conseils d’administration des petites capitalisations, contre respectivement 23,3% et 17,5% dans les compartiments A et B. L’objectif de 20% de femmes à horizon 2014, fixé par le législateur, est donc presque atteint.
Les sociétés du compartiment C semblent avoir réagi rapidement puisque 148 femmes (sur les 322 femmes administrateurs à fin 2012) ont été nommées depuis la promulgation de la loi en janvier 2011. Cependant, 17,2% des sociétés du compartiment C n’ont encore aucune femme dans leur conseil d’administration.
Le bilan intermédiaire de la loi Copé-Zimmermann apparaît donc positif. Mais la seconde étape de la loi prévoit 40% de femmes dans les conseils d’administration en 2017 : doubler la représentation des femmes risque d’être plus difficile pour les entreprises et devrait les conduire à aller plus loin dans leur réflexion sur le recrutement de ces administratrices.
Un pouvoir d’influence des femmes administrateurs encore limité
Les études académiques convergent sur la nécessité d’un nombre minimal de femmes (trois) dans un conseil d’administration pour qu’elles puissent réellement peser sur les décisions. 6,7% des sociétés de l’échantillon ont un nombre de femmes administrateurs supérieur ou égal à 3, contre 35% dans les compartiments A et B.
Cela s’explique essentiellement par la taille réduite des conseils d’administration du compartiment C (en moyenne 6 membres). En ce qui concerne leur rôle au sein du conseil d’administration, seules 5,9 % des femmes sont présidentes et le cumul des fonctions de direction et de contrôle est encore plus rare : 1,2% de femmes PDG.
Quant à la participation des femmes au sein des comités spécialisés, elle varie selon le type de comité : les femmes sont assez bien représentées dans les comités d’audit (16,5% contre 20,3% pour les hommes), mais beaucoup moins en revanche dans les comités des nominations et des rémunérations (8,1% contre 15%) et dans les comités stratégiques (4,3% contre 7,8% pour les hommes).
S’interroger sur l’influence des femmes dans les conseils d’administration, au-delà de leur simple représentation, est indispensable. Et force est de constater que cette influence ne peut se réaliser que par étapes : la nomination des femmes dans les conseils constitue la première, puis, lorsque leurs compétences seront mieux connues des autres administrateurs, elles pourront plus facilement accéder aux comités.
Des profils d’administratrices propres au compartiment C
Les administratrices du compartiment C sont très majoritairement de nationalité française (91,6%), et sont plus jeunes que leurs homologues masculins, avec un âge moyen de 53,8 ans. La formation universitaire est la plus répandue : 36,4%, avec 58,4% des femmes administrateurs ayant au moins un diplôme de niveau Master. Seulement 12,1% des femmes administrateurs du compartiment C sont diplômées d’une école d’élite contre 47,8% pour le compartiment A et 28,9% pour le compartiment B.
L’expérience internationale des femmes administrateurs du compartiment C est moins répandue que dans les autres compartiments (1 sur 4 au lieu de la moitié) et l’expérience ministérielle marginale. 38,5% des femmes administrateurs du compartiment C ont une expérience de haut dirigeant. Comme pour les compartiments A et B, elles sont nombreuses à avoir une expérience en management (49,7%) ou en finance (28,9%). L’expérience comme administrateur est moins forte dans le compartiment C : seulement 60% des femmes administrateurs détiennent d’autres mandats, 17% détiennent 4 mandats et plus mais seulement 10,2% ont un mandat dans une autre société cotée.
Une particularité forte du compartiment C est l’existence d’un lien familial entre la femme administrateur et l’un des dirigeants ou des actionnaires. 35,4% des femmes administrateurs sont dans cette situation. Cette appartenance à la famille peut expliquer partiellement le faible taux d’administrateurs indépendants parmi les femmes administrateurs du compartiment C : 27,6%.
L’appartenance à la famille n’est pas à considérer comme un handicap. Dans les entreprises familiales, l’objectif est double : la pérennité de l’entreprise mais aussi préserver les intérêts de la famille. Un administrateur de la famille, sans distinction de genre, aura à cœur ces deux finalités. L’appartenance à la famille ne préjuge pas de moindres capacités comme administrateur et constitue souvent le gage d’une très bonne connaissance de l’entreprise.
L’étude complète est consultable sur le site de l’Observatoire de la Parité du Groupe ESC Dijon-Bourgogne.
Publié dans Les échos du 24/01/2014
LES AUTEURS : Isabelle Allemand, Bénédicte Brullebaut et Odile Barbe, enseignants chercheurs au Groupe ESC Dijon Bourgogne et membres de la Chaire en Gouvernance d’Entreprise
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