livre1Dans la prise de risque il ne s’agit pas de foncer les yeux fermer mais de s’entraîner à le faire, de construire son cadre de sécurité, de dépasser la peur de l’inconnu, d’élargir son regard, de prendre des risques calculés, d’avoir un plan B en cas d’échec. Voici un extrait de mon livre sur la question.

 

Prendre des risques peut s’apprendre et conduire au succès en respectant un certain processus. Oser prend des formes extrêmement variées : décider, commander, entraîner, innover, conquérir, s’exprimer, aller vers une certaine forme d’inconnu, être différent, être unique… Oser nécessite de l’audace. L’avenir appartient aux audacieux, dit-on. Goethe recommandait d’ailleurs : « Quelle que soit la chose que vous pouvez faire ou que vous rêvez de faire, faites-la. L’audace a du génie, de la puissance et de la magie. Commencez dès maintenant ».

Le processus se déroule en quatre étapes, selon le modèle de Poincaré de l’acte créateur :

  • La préparation : on s’immerge dans le problème – on collecte des informations.
  • L’incubation : les informations et possibilités fermentent – Les idées émergent.
  • L’illumination : une idée majeure ou de génie apparaît.
  • L’exécution : on met en application l’idée en luttant contre les objections et en dépassant les obstacles et les échecs.

Pour permettre à ce processus d’émerger, il faut mettre en place un environnement propice à la prise de risque. L’innovateur doit s’entraîner, se sentir suffisamment en sécurité, dépasser sa peur du changement, prendre des risques calculés, explorer différentes possibilités et avoir un plan B en cas d’échec.

S’entraîner –  Plus on la pratique avec succès, plus on s’aguerrit. Sénèque le disait déjà : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on n’ose pas, c’est parce qu’on n’ose pas que les choses sont difficiles ». Publius Syrus (85-43 av. J.-C.) constatait aussi que « le courage croît en osant et la peur en hésitant ».

On peut se former à des méthodes de maîtrise de risque, mais surtout il faut s’y entraîner à la fois individuellement et collectivement. Grâce à la pratique, chacun peut développer des antennes de sauvegarde et des compétences, comme la capacité à affronter l’incertitude, à raisonner, à argumenter… L’expérience, le fait d’avoir traversé des tempêtes, rend aussi plus réaliste.

Construire son cadre de sécurité – En phase d’initiation à la prise de risque, il faut commencer par se lancer avec des filets de sécurité pour se familiariser à son environnement. Dans tous les cas de figure, il faut agir en fonction de sa personnalité, ce qui suppose de se détacher de son héritage familial et sociétal et réfléchir à ses compétences et connaissances, ses envies et ses besoins. Bien se connaître, avoir confiance en ses capacités, identifier ses zones de stabilité, être clair sur ses choix, bien évaluer son environnement et avoir une bonne assise pour se situer, même dans un environnement mouvant ; d’autant que le changement implique des pertes de repères. Ce sentiment de sécurité ne dépend donc pas uniquement de la réalité, mais d’une sensation intérieure. Le cadre ou le manager peut l’acquérir avec un travail sur soi. Il y arrivera alors plus efficacement avec l’aide d’un tiers qui lui servira de miroir et pourra l’aider à y voir plus clair.

Dépasser la peur de l’inconnu – Il faut avoir conscience du prix à payer au moment du risque, le prix de l’incertitude, sachant que « tout savoir – tout anticiper n’existe pas », souligne Thierry Groussin, chargé de la formation des dirigeants à la Confédération Nationale du Crédit Mutuel. « D’ailleurs, la recherche illusoire de la maîtrise absolue paralyse la décision. Dans tous les cas, quoi qu’on décide, on se retrouve face à l’inconnu, tel le chasseur, qui en marchant, fait s’envoler des oiseaux ou détaler des lièvres dont il ne soupçonnait pas la présence. De plus, l’information et l’expérience sur lesquelles nous nous appuyons au moment de la décision s’inscrivent dans le passé. Or, le présent, et encore moins l’avenir, n’est pas le reflet d’hier. Le monde étant, à certains moments, chaotique, l’histoire n’est jamais écrite d’avance. Autrement dit, la décision prise est porteuse d’une infinité de scénarios. »

Élargir son regard – « La bonne et unique décision n’existe pas, sinon dans des conditions artificielles, comme, par exemple, lors une épreuve scolaire qui a un reflet trompeur et réducteur de la complexité de la vie », souligne encore Thierry Groussin. « Pour avoir une meilleure appréciation du risque, il faut élargir son regard ». Il prend l’exemple d’une personne voulant ouvrir un restaurant. « Elle doit d’abord se centrer sur ses compétences fondamentales : cuisine, décoration, aménagement, service, etc., mais aussi élargir son champ d’observation, en regardant le type et les flux de chalands du quartier où elle compte s’installer, afin de choisir le bon emplacement. Malgré toutes ses précautions, elle n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise, comme la disparition d’une partie de la clientèle potentielle, suite au déménagement d’une entreprise. »

Prendre des risques calculés – On peut être audacieux tout en mesurant le danger pour le garder dans les limites du raisonnable. Il ne s’agit pas de jouer à la roulette russe. La démarche nécessite un mélange de réflexion, d’audace et de rigueur et la prise en compte de différents paramètres : niveau de risque, potentiel du retour sur investissement… Pour réussir, il faut s’ancrer dans le réel qui est structurant, car la perte de contact avec la réalité, peut rendre le risque excessif.

Avoir un plan B en cas d’échec – S’inscrire dans une dynamique de changement inclut la prise et la gestion du risque, et par extension la gestion du résultat qui s’ensuit. Aussi, pour réhabiliter et redonner le goût d’entreprendre, il faut commencer par dédramatiser l’échec. Ne pas vouloir l’échec, c’est la meilleure façon d’avoir des problèmes à long terme. Il s’agit de ne pas s’effondrer si les choses tournent mal, ni se laisser griser par la réussite. Les dirigeants doivent donc être prêts à assumer les résultats quels qu’ils soient, tant à leur niveau qu’à celui de leurs collaborateurs. « Les gens disent de mon patron qu’il a beaucoup de chance, remarque une DRH d’une compagnie d’assurances. Certes, il en a, mais il réussit aussi parce qu’il se projette dans l’avenir avec trois ou quatre coups d’avance. Il pense aux conséquences de ses décisions et réfléchit à ce qu’il fera s’il échoue ». Il faut donc assumer ses arrières, avant de se lancer dans une bataille. Napoléon avait intégré cela parfaitement. Il avait ainsi plusieurs scénarios en tête et envisageait toujours la manière de se replier. De même, par rapport à un choix entrepreneurial, il faut réfléchir sur les différentes issues possibles, en ayant plus ou moins un plan B en réserve.